Sur le fil

N° 323 / Éditorial

Lumière d’hiver

Au plus creux de novembre, coup de déprime à Liberté. Pourquoi le cacher? Après tout, ce sont bien des êtres humains – en l’occurrence, nous – qui animent les institutions, et comme nous espérons nous affranchir le plus possible du discours sur la productivité, nommer la vie émotionnelle et les limites de ceux qui accomplissent le travail revêt un caractère politique. Une petite déprime, donc. Au terme d’un automne intense, marqué par la publication du numéro Premiers Peuples (dont la réception a dépassé toutes nos attentes), puis du numéro sur l’hospitalité, les lancements, les événements ponctuels, la gestion quotidienne, la paperasse habituelle et la production du numéro que vous tenez entre vos mains, nous étions fatiguées. Le manque de luminosité, l’incertitude et la précarité, qui sont le lot de toute publication indépendante, pesaient plus lourd; or, le temps, lui, ne ralentit pas.

C’était au moment où le milieu littéraire se mobilisait contre la participation du géant Amazon au Prix littéraire des collégiens. Il était beau de voir le monde du livre protester contre ce manque de tact de la part de l’organisation du prix. Il faut d’ailleurs souligner le courage de Karoline Georges, Kevin Lambert, Jean-Christophe Réhel, Lula Carballo et Dominique Fortier, écrivains nommés cette année, qui sont montés au créneau. Il était en effet ironique, pour le dire poliment, qu’une entreprise comme Amazon veuille encourager les jeunes à découvrir la littérature alors que son modèle d’affaires érode les conditions mêmes de la production de celle-ci, accablant tous les acteurs de la chaîne du livre, surtout dans un petit pays comme le Québec.

Heureusement, la mobilisation a porté ses fruits et le partenariat avec Amazon a été annulé. On aurait envie de leur dire, à ces gros comme GAFA, qui échappent à l’impôt et imposent à leurs employés des conditions de travail indécentes, que leur effronterie n’a d’égal que notre détermination à y résister. Reste que cet épisode a souligné la précarité grandissante de notre condition, la rendant momentanément plus difficile à supporter. Ceux qui rament contre le courant sont en effet toujours en proie à l’épuisement, mais nous avons la chance de travailler dans «l’industrie culturelle», nous ne devrions pas nous plaindre. Malgré les moments de joie et de solidarité qui déjouent toutes nos attentes – nous en avons vécu plusieurs cet automne, entourées par notre précieuse communauté de collaborateurs et de lecteurs –, il reste cette impression que tout va trop vite, et que l’espoir se dissout dans l’enfilade des catastrophes et des mauvaises nouvelles de l’actualité, puis dans le constat sans cesse renouvelé qu’il y a tant à faire, que nous ne pouvons résister sur tous les fronts à la fois, et que Liberté, malgré le travail dévoué de ses auteurs, de ses collaborateurs et du comité éditorial (que nous saluons chaleureusement: saviez-vous que ses membres travaillent bénévolement? Sans le comité éditorial, Liberté n’existerait pas), n’est qu’un petit caillou dans la mare… Un caillou? Plutôt un grain de sable! La détermination de quelques Gaulois peut-elle faire le poids face aux assauts incessants et de tous acabits portés contre les liens sociaux?

Un record de ventes pour Liberté!

Lectrices, lecteurs, allô,

En ce temps gelé et neigeux, hostile à toute vie humaine et non-humaine, toutes les bonnes nouvelles sont bienvenues. Les rapports officiels de Diffusion Dimedia, notre diffuseur, sont clairs: le numéro «Premiers Peuples: cartographie d’une libération» a établi un record de vente historique à Liberté. Jamais dans l’histoire contemporaine de la revue nous n’aurons vendu autant d’exemplaires d’un numéro. Nous espérons toujours vous rejoindre, et cette fois, c’est mission accomplie.

Nous en profitons pour vous exprimer toute notre gratitude. Merci de nous acheter, de nous lire, de parler de nous à vos ami·es, de faire exister une communauté. Ce n’est pas uniquement le succès commercial du numéro qui nous réjouit; c’est aussi le fait que ce soit ce numéro en particulier, issu d’une démarche collaborative si singulière, qui ait le mieux fonctionné.

N° 322 / Reportage

Les Algonquins de Val-d’Or

Contraints à la misère et au soupçon permanent, les Anishinaabeg de l’Abitibi résistent. Richard Desjardins est parti à la rencontre du «peuple invisible», qui est aussi un peuple invincible.

Les Nations unies ont déclaré il y a un bon bout de temps: «[…] Il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression.»

Kwe,

Le cœur te lève. Le cœur se lève. Le cœur se soulève. Et puis se révolte. C’est ce qui va arriver.