«Tabarnak. Il vient de l’dire.» Il l’attendait. Il le sentait arriver. Le rappeur Lovhard «Le Voyou» Dorvilier le sentait arriver, ce «l’». La scène, filmée par Maryse Legagneur, est torturante. On y voit Le Voyou s’infligeant le visionnement de l’émission Les francs-tireurs, à laquelle il a accordé une entrevue; il la regarde dans un pawnshop, ou peut-être dans un de ces commerces où tout se répare. Mais la courbe narrative se déroule surtout dans son regard, dans ses yeux écarquillés qui n’accordent pas le bénéfice du doute à quiconque. Un peu, aussi, dans la gêne du type assis à la droite du rappeur: «Quoi? Il a dit ça? Non… Arrête…» Il ne l’a pas entendu, lui, parce qu’il ne l’attendait pas; il ne voulait pas l’entendre parce qu’il n’avait pas besoin de l’attendre.
Avant de le dire, Benoît Dutrizac, l’animateur, avait jusque-là pesé ses mots. C’était plutôt dans son ton, ses questions, sa posture, quelquefois ses mains, ses hésitations, même, que s’exprimait son mépris.
— Tantôt, là, on était dans un parc, pis y’en a deux [Noirs] qui sont arrivés, qui nous ont parlé comme s’ils avaient une autorité sur nous.