Du refus global à octobre 1968
Avec la crise des CEGEP, on a vu, pour la première fois au Québec, une extrême-gauche procéder naturellement dans l’action, à une remise en question radicale de la société. Jusqu’à présent, nous avions connu soit des gauches réformistes agissant à l’intérieur du système pour supprimer les tares et en améliorer le fonctionnement, soit des mouvements d’extrême gauche qui confondaient l’action avec une simple expression de leurs opinions radicales. […]
Le système d’éducation étant aux prises avec des difficultés que personne, pas même le ministère, ne songent à nier, [les étudiants] touchèrent et obtinrent une certaine sympathie du public et une tolérance manifeste de l’État. Finalement, cette crise éclata avec l’accord tacite de tous, exception faite des conservateurs enragés et des maniaques de l’autorité. […]
L’unanimité du début reposait sur l’existence reconnue du problème de l’accès à l’université et de celui des débouchés dans le monde du travail. Mais il n’y avait jamais eu d’accord sur la contestation globale de la société.
C’est l’occupation elle-même qui provoqua cet inévitable fractionnement. Car, si les buts poursuivis dans l’immédiat n’étaient pas révolutionnaires, l’occupation, elle, était révolutionnaire.
L’occupation fut révolutionnaire parce que, par des actions radicales, elle fit vivre dans la réalité les valeurs nouvelles que l’on voulait substituer aux anciennes: la critique contre la soumission, l’activité et l’imagination contre la passivité, la repossession de soi et de son milieu contre le sentiment de dépossession, l’amour des autres et des choses contre la peur de l’autorité, le bonheur de vivre contre le «devoir» aveugle, la responsabilité contre la dépendance.