Le sexisme ordinaire
Insolence, subst. fém. En partic.: Manque de respect de la part d’une personne inférieure ou considérée comme telle.
— Trésor de la langue française informatisé
J’aurais voulu ne rien apprendre à la lecture de Mines de rien. Sur les femmes, sur le monde, sur moi-même. Que l’anodin impliqué par le titre tienne ses promesses. Que la traque des discours ambiants à laquelle se livrent IB, LJ et LSM, comme elles se désignent, ne soit pas si aisée ou si révélatrice.
Chaque texte est signé des initiales de son auteure, de sorte que les voix ne sont ni fondues ni anonymes, ni indifférenciées dans un collectif «féminin». Les points de vue sont assumés et, en même temps, il n’y a pas de hiérarchie entre les auteures. La typographie féministe participe de cette pratique qui ne transforme pas l’inclusion en confusion: un point est placé à mi-hauteur entre les deux genres grammaticaux, qui évite la symbolique mise entre parenthèses du signe du féminin, ce -e qu’on appelle «muet»; autant que l’usage du trait d’union, qui fait du signe du féminin un appendice au nom masculin.
Car c’est là que le bât du féminisme blesse en Occident, dans les petites injustices ou les omissions qui n’ont l’air de rien. Il doit se battre avec des fantômes lorsque l’existence même des femmes est passée sous silence, dans les numéros thématiques de magazines littéraires, les listes de livres à l’université, les expositions de photographie représentant l’état du monde. C’est pourquoi les auteures utilisent la technique du comptage, qui fait ressortir ces évidences aveuglées qu’on trouverait barbares si elles concernaient tout autre groupe de population. À propos de l’absence de femmes dans un dossier sur l’humour, Lori Saint-Martin remarque: «Si on évacuait aussi systématiquement les hommes, il faudrait parler d’un numéro sur l’humour des femmes.» Isabelle Boisclair note: «ce n’est pas parce que je suis une femme que je suis féministe. Je suis féministe parce que c’est à titre de femmes que les femmes sont violées, qu’elles gagnent moins que les hommes, etc.», ajoutant qu’«aucun homme n’est tué parce qu’il est un homme».