Critique – Cinéma

L’horreur du placard

Tom à la ferme nous tourmente jusqu’à la fin.
Par Toni Pape

Tom à la ferme est un thriller sur la psyché américaine. Les premiers plans, qui montrent Xavier «Tom» Dolan conduisant sa voiture à travers les grands espaces québécois, accompagné par la rengaine des «Moulins de mon cœur» empruntée à L’affaire Thomas Crowne (N. Jewison, 1968), nous en convainquent. En tournant ainsi en rond, nous arrivons à la ferme, pour être bientôt emportés dans les vertiges du vrai et du faux, dans les circonvolutions de la beauté américaine cachant d’ignobles secrets. Et nous tournerons jusqu’à la fatigue. «I’m so tired of you, America», chantera Rufus Wainwright après la dernière image.

Le film raconte l’histoire de Tom, qui se rend à la campagne pour assister aux funérailles de son amant Guillaume et qui, dès son arrivée, se rend compte que personne ne l’attendait ni ne se doutait de l’homosexualité de celui qu’on porte au tombeau. Ce qui suit est la terrible histoire d’un retour volontaire dans le placard. Dans Tom à la ferme, la vraie terreur ne vient pas de l’homophobie, mais du martyro­logue. D’abord malgré lui et bientôt de son plein gré, Tom acceptera la démolition de son corps – se soumettant à une série graduée de violences physiques, gifles, crachats, coups de poing, étranglement – pour rejoindre la douce certitude de ne faire de mal à personne, sauf à lui-même.

Ce renversement morbide du coming out est d’autant plus écœurant qu’il se produit avec facilité, dans un accord collectif ou par égard pour les autres. Ici, ce serait pur égoïsme de s’afficher homosexuel; on est à plusieurs seulement dans l’hétérosexualité, dans la dénégation masochiste du soi par sympathie pour le consensus, car toutes les vérités doivent rester suspendues. Par là, le film échappe à de nombreux clichés, mais c’est pour mieux tourmenter le spectateur jusqu’après sa fin. La vérité, pourtant toute proche, restera hors d’atteinte, et la bande musicale de Gabriel Yared aura usé de toutes les astuces du film d’horreur pour nous faire craindre un événement qui ne surgira jamais. L’horreur, c’est maintenant de rester scellé dans une éternelle irrésolution.

N° 305: Ministère de la Formation

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