L’Ouest, vu d’ici
Il y a beaucoup de fusils, et beaucoup de coups tirés vers Dieu. Il y a des pendus aux poutres des salles à manger et des visiteurs qui en heurtent les pieds avec leur tête en poussant la porte. Surtout, il y a l’Ouest, celui dont la majuscule ne sera jamais assez grande pour contenir ses paysages et les destins qui s’y sont perdus.
À la recherche de New Babylon, très fort premier roman de Dominique Scali, raconte les vies du révérend Aaron, l’écrivain aux mains coupées; de Charles Teasdale, qui, par neuf fois, a échappé à la pendaison avant d’en avoir assez et de se pendre lui-même; de Pearl Guthrie, qui se maria trente fois sans jamais trouver de mari; finalement de William Tattenbaum, dit «Russian Bill», le dandy du Far West qui jouait aux échecs plutôt que de provoquer ses ennemis en duel.
Dans une écriture fluide et qui ne fait aucune concession à la facilité, Scali parvient à rendre avec une force d’évocation peu commune la bataille ininterrompue de l’homme avec sa propre histoire, passée et à venir. Tous ces personnages, fictifs ou réels, poursuivent en effet, dans la poussière des villes minières qui naissent et disparaissent au gré de la prospection aurifère, leur légende. Certains y rêvent, comme Russian Bill qui souhaite fonder New Babylon, une ville sans loi «où, enfin, chacun connaîtra sa vraie valeur». D’autres cherchent à la faire perdurer, comme Teasdale, boxeur presque imbattable recherché dans différentes villes sous différents noms parce qu’il met le feu aux endroits où on veut le mettre en prison, surtout quand les murs de cet enclos sont formés par les façades des tripots dont on lui refuse l’entrée.