Technic-horror
Le film prend d’abord les airs anodins d’une fable pastorale: la grange, la jeune fille (Pearl, campée par l’actrice Mia Goth) aux nattes angéliques retenues par de petits rubans blancs, en salopette de travail bleue, le rose aux lèvres, et quelques accents de rouge profond ici et là, laissant peut-être présager le pire… La jeune femme aux airs d’enfant naïve évolue dans le monde clos d’une ferme isolée. Le père est infirme. La mère, quant à elle, est d’une rigueur toute luthérienne. Rigueur nécessaire, semble-t-il, pour gérer seule sa ferme et sa fille.
Du lettrage vieillot de son générique à sa musique insistante, jusqu’à ses images mimant un Technicolor digne de Douglas Sirk et à ses chorégraphies calibrées au millimètre près, Pearl reprend les codes du mélodrame classique et ceux de la comédie musicale de l’âge d’or hollywoodien. Mais aussitôt affichés, ceux-ci sont immédiatement détournés pour le plaisir (coupable!) du public. Le réalisateur Ti West, qui n’en est pas ici à son galop d’essai, convoque sans rechigner les codes du cinéma d’horreur et du slasher. Certes, mais pas que. Le pacte qu’il nous propose est celui du divertissement entre adultes consentants.
Car c’est bien de spectacle qu’il est question dans ce film se déroulant en 1918, sur fond de Première Guerre mondiale. Le cadre paraît minutieusement choisi, distillant ses échos discrets mais efficaces à la situation mondiale de 2022. L’année 1918 voit en effet la première vague d’influenza ravager l’Amérique et l’Europe, tandis qu’on signe en France l’armistice censé mettre fin au désastre humain et économique de la Grande Guerre. C’est également à cette époque que l’invention du spectacle cinématographique prend véritablement son envol commercial, pour devenir ce que l’on nommera bientôt un divertissement de masse – consacrant ainsi le règne de l’image.