Vidanges

Filmer les cimetières de l’anthropocène

Proportions gigantesques, catastrophes environnementales: le monde des plateformes pétrolières est celui de la démesure. Pour parler de leur démantèlement, Liberté s’est entretenue avec Karl Lemieux.

Karl Lemieux est un réalisateur et un performeur, connu pour sa collaboration avec le groupe Godspeed You! Black Emperor. Ses documentaires expérimentaux s’intéressent aux matières, naturelles et industrielles, aux images en destruction, aux ruines de l’anthropocène. Pour son nouveau film, produit en collaboration avec l’Office national du film (ONF), il a obtenu la permission de filmer un cimetière de plateformes pétrolières en Écosse. Dans le port de Cromarty Firth, spécialisé en infrastructures pétrolières et gazières (et maintenant dans les éoliennes), le démantèlement de ces déchets monumentaux devient un projet industriel d’avenir. Valérie Lefebvre-Faucher l’a rencontré pour discuter de ces images.

Liberté — Quelles sont les impressions qu’il te reste, qu’est-ce qui te revient en tête en premier, quand tu repenses à ton exploration des plateformes?

Karl Lemieux — Assurément un sentiment d’étrangeté. La première fois que j’ai pu observer les plateformes du rivage, je n’arrivais pas à comprendre la taille de ce que je regardais. J’avais l’impression d’être proche et je me suis dit qu’elles n’étaient peut-être pas aussi grandes que ce que je m’étais imaginé. Mais quand on a calculé les distances pour les prises de vues aériennes, je me suis rendu compte qu’elles étaient à plus de deux kilomètres de distance! Je n’avais jamais vu de plateformes, et elles sont énormes. J’ai grandi à côté d’une usine et j’ai toujours eu une fascination pour l’architecture industrielle. La fonction utilitaire des infra­structures industrielles permet des formes, des volumes et des textures qui ne se retrouvent pas dans un bâtiment résidentiel ou commercial. De ce point de vue, les plateformes sont incroyablement étranges. Elles ressemblent à des monstres d’acier géants faits de tuyaux. On m’a expliqué que, depuis les premiers forages en haute mer dans les années 1970, les compagnies pétrolières ne partagent pas leurs plans d’ingénierie. Cela a fait en sorte que les plateformes sont toutes assez différentes les unes des autres… C’était vraiment intéressant d’en voir une dizaine, toutes différentes, au même endroit.

Valérie Lefebvre-Faucher est membre du comité de rédaction de Liberté.

N° 338: Vidanges

La suite de cet article est protégée

Vous pouvez lire ce texte en entier dans le numéro 338 de la revue Liberté, disponible en format papier ou numérique, en librairie, en kiosque ou via notre site web.

Mais pour ne rien manquer, le mieux, c’est encore de s’abonner!