Le peuple et la fonderie
Dans la pièce d’Henrik Ibsen Un ennemi du peuple, dont l’action est située dans un village norvégien au XIXe siècle, on voit décortiquée la mécanique par laquelle un sonneur d’alerte est désigné ennemi du peuple par les élites politiques et médiatiques, manœuvre de diversion qui permet de balayer sous le tapis un problème environnemental majeur et ses incidences sur la santé des gens. Le motif de cette opération publique ressemble à un vaudeville: éviter les dépenses publiques importantes qu’impliquerait le redressement de la situation et des pertes de revenus commerciaux pour la région, dont l’économie repose sur la mise en activité de bains thermaux dont l’eau est contaminée.
Sous la direction artistique d’Alexandre Castonguay, le Théâtre du Tandem de Rouyn-Noranda a organisé le 11 décembre dernier au Théâtre du cuivre une lecture publique de la pièce d’Ibsen, écrite en 1882. Les comédien·nes choisi·es pour incarner les neuf personnages sont des citoyen·nes de Rouyn-Noranda, et toustes, d’une manière ou d’une autre, sont lié·es à la fonderie Horne, dont les émissions d’arsenic, bien supérieures aux normes provinciales, sont au cœur d’une bataille économique et écologique qui déchire la communauté de Rouyn-Noranda depuis cet été.
Une discussion animée a suivi la lecture de la pièce. Près de quatre cents personnes étaient présentes, de tous les horizons, y compris des gens de la Chambre de commerce et de la Santé publique, des enseignantes, des militantes, des enfants, des animateurs des milieux culturels, un représentant des Anishinabeg et même un ou deux employés de Glencore, la firme suisse qui exploite la fonderie Horne. L’événement était gratuit, et les gens présents ont discuté des questions mises en lumière par la pièce, des personnages, du rôle de la science et des médias, de changement social, de raison et d’émotion, et du prix des convictions.