Des limites de nos fictions
À brûle-pourpoint, un adolescent demande à son père: «La magie, les elfes, tout ça, finalement, ça n’existe pas?» Question à la fois anodine et terriblement troublante en ce qu’elle annonce l’effondrement d’un monde.
Par le regard de ce jeune homme, Mason, le film Boyhood propose le portrait de famille d’une certaine classe moyenne carburant aux idéaux d’accomplissement de soi. Le père en question traîne ses projets de musique et d’aventure jusqu’en Alaska. Un peu tête folle, un rien délinquant, il court derrière un rêve entretenu par la démocratie capitaliste. Le rêve du self-made-man, version artiste. Laissée en bordure de cette route vers la gloire et devenue de ce fait soutien de famille, la mère poursuit une autre promesse libérale: échapper à la pauvreté qui la guette et assurer à ses enfants une éducation supérieure. À force de travail et d’études, et malgré les déboires de ses divorces successifs, elle gagne le pari.