Tous banlieusards
La banlieue est partout. En ville, à la campagne et, évidemment, en banlieue. Peut-être n’est-il pas délirant, en suivant cette pente, de se dire qu’elle se trouve également en chacun de nous. C’est à tout le moins l’intuition qui a mené à l’élaboration de ce dossier. Depuis une cinquantaine d’années, la majorité des Québécois naissent et grandissent dans des enclaves résidentielles quadrillées de maisons unifamiliales. Nos habitudes, nos besoins, nos aspirations et, donc, nos politiques, sont désormais irrémédiablement influencés par ce modèle. Où que nous nous trouvions, ce sont les mêmes envies de propriétés privées, de voitures et de complexes commerciaux qui guident nos décisions individuelles et collectives. Le développement urbain, en effet, ne se conçoit plus qu’en fonction d’un seul idéal qui élève l’individu et la vie privée au rang de valeurs suprêmes. La traditionnelle opposition ville / banlieue qui permettait au citadin de se moquer du banlieusard et incitait ce dernier à démoniser tout centre urbain s’effrite et nous force, semble-t-il, à repenser tout à la fois nos cartes et nos territoires.
À l’instar des créateurs qui s’y sont intéressés, on peut concevoir la banlieue comme un miroir grossissant de notre société tout entière. Que nous révèle-t-elle de nos propres pratiques, valeurs et idéaux? Comment son modèle en vient-il à façonner notre vision du monde? La manière dont nous occupons l’espace, dont nous construisons nos villes et habitons nos maisons témoigne toujours d’un rapport particulier à la nature, à l’histoire, à la communauté. C’est sur ce rapport, en premier lieu, qu’il importe de se questionner. La logique du «chacun chez soi, chacun pour soi» est inquiétante à l’heure où nous devons revoir l’organisation de nos villes pour les rendre plus viables aux plans social et environnemental.
S’il est bien sûr légitime de rêver d’un chez-soi paisible, d’un bout de jardin à cultiver, pouvons-nous imaginer d’autres façons d’y arriver? Nous l’espérons. Une autre banlieue, en effet, est possible.