French Canada’s got talent
Les créateurs de Louis Cyr ont réussi le pari risqué d’intéresser le public actuel à une vieille figure populaire. On en sort imprégné de vagues sentiments de rencontre avec l’histoire et de fierté nationale. Sur le plan de la forme, le film respecte scrupuleusement quelques conventions calquées sur les attentes prévues du grand public. Si le succès de Louis Cyr était explicable en 1900, on doit par contre se demander en quoi le personnage peut intéresser le spectateur québécois aujourd’hui.
Louis Cyr ne s’entraînait pas. Son mérite résidait dans sa volonté extraordinaire d’être et de rester le plus fort. Selon le mythe, cette grande hardiesse était proportionnelle à la souffrance et à l’humiliation de la minorité française en Amérique.
Ce qu’on peut maintenant reconnaître chez ce Canadien français, ce n’est plus le spectacle populaire de la force, extension noble et expression fière du travail manuel sur la terre, dans la forêt ou à l’usine. Cette vision du monde a disparu. La force humaine impressionne encore, mais plutôt comme prolongement de la science et expression normée et sophistiquée de la technique. Le corps de Louis Cyr est loin de cette esthétique et de cette technique. Comment le citadin moderne pratiquant le power yoga et le jogging peut-il s’y identifier? Enfin, sa force ne représente pas non plus une pierre angulaire sur laquelle nous pourrions continuer d’édifier une culture forte (idéologique, spirituelle, intellectuelle ou artistique).