Critique – Scènes

Des archives vivantes

Dans la dernière édition du Festival Trans­Amériques assemblée par le directeur artistique Martin Faucher, trois pièces de théâtre travaillent l’archive en classant des témoignages et en collectionnant des souvenirs. Ces spectacles mettent en scène, chacun avec une approche narrative singulière, des protocoles pour organiser la mémoire et conserver de précieux morceaux d’humanité. Attirée par l’idée que des artistes aux esthétiques bien distinctes choisissent d’aborder et de construire des archives vivantes, j’ai voulu m’intéresser à ce que l’art éphémère du théâtre pouvait apporter à ces traces humaines. Comment l’idée trois fois déclinée de la conservation est-elle explorée par un art qui exalte le présent?

Seulement dix personnes à la fois peuvent assister à Alep: portrait d’une absence, une pièce signée par l’auteur Mohammad Al Attar, le metteur en scène Omar Abusaada et la scénographe Bissane Al Charif. Dans le hall de l’Édifice Wilder – Espace danse, une grande carte d’Alep nous accueille, dessinée sur un panneau en bois avec des tracés anonymes, sauf pour quelques indications en arabe. Chaque membre du public choisit un quartier différent de la ville en retirant un morceau de bois taillé dans la carte. Un petit magnétophone correspondant à notre quartier nous est confié avant notre entrée dans la salle de spectacle, où il faut s’asseoir à la table affichant les contours du morceau de casse-tête sélectionné.

Un interprète rejoint ensuite chaque membre de l’auditoire, créant dix tête-à-tête simultanés avec le public. Après avoir fait entendre quelques mots d’un habitant ou d’une habitante d’Alep grâce au magnétophone, l’interprète partage le témoignage de cette personne en citant ses paroles. Incarnant presque ces dix êtres lointains, les interprètes adoptent toutefois le rôle délicat de passeur ou passeuse en se présentant d’abord en tant qu’eux-mêmes ou elles-mêmes, puis en établissant durant leur monologue une sorte de complicité par le regard, les yeux plongés dans les nôtres.

N° 332: Nous vieillirons ensemble

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