Josée Yvon, ma contemporaine
Il est étonnant de voir réapparaître avec une telle fulgurance une figure littéraire jusque-là pratiquement inconnue, parce que devenue, avec le temps, introuvable en librairie et en bibliothèque. T’es tout seul chez toi, tu demandes rien à personne et, soudainement, t’as tous ces gens qui te parlent de Josée Yvon comme si elle était la révélation de la rentrée. Je n’avais presque rien lu d’elle lorsqu’on m’a demandé il y a trois ans d’écrire coup sur coup un texte de fiction et un essai à son sujet. Filles-commandos bandées, dont j’avais fait une photocopie, a de la gueule, mais j’avais toujours préféré Lesbiennes d’acid de Vanier. Et je ne m’étais jamais intéressé à ce qui était venu après, présupposant que Yvon avait pris le même virage atténué, plus «poétique», que les recueils de Vanier ont emprunté à partir des années quatre-vingt.
Yvon n’a jamais lâché, pourtant. Partie du même terreau contre-culturel que Vanier, elle a poussé son éthique de la marginalité jusqu’à l’insoutenable sans jamais laisser s’atténuer l’exigence qu’elle s’était donnée. À la fin, l’œuvre de Yvon demeure plus cohérente, plus impitoyable que celle de Vanier. Et même si on l’associait spontanément à l’underground des années soixante-dix, la pugnacité de Josée Yvon en a fait une auteure des années quatre-vingt, une poète que le féminisme radical a sauvée du naufrage qui a emporté la contre-culture à la fin des années soixante-dix. Ses textes pour cela ont des odeurs de punk, de squat, de queer.
Elle est aussi une auteure des années quatre-vingt dans la mesure où sa redécouverte se fait à l’intérieur d’un questionnement sur les fondements de notre sensibilité littéraire actuelle, beaucoup plus près de l’esthétique trash et désaxée du punk que de la célébration de la marginalité vaguement ésotérique, exploratoire et exaltée aux idéaux révolutionnaires des années soixante-dix. Cette génération de poètes trash des Éditions de l’Écrou, du Off-Festival de poésie de Trois-Rivières ou qui publient sur poemesale.com ont trouvé en Josée Yvon une figure fondatrice unique en littérature québécoise.