Inhabiter le monde en poète
La voix de Josée Yvon a-t-elle seulement commencé à se faire entendre au Québec? Son œuvre n’est-elle pas à actualiser? Et est-il possible de nous la rendre contemporaine en la sortant de la petitesse institutionnelle de l’histoire littéraire où lui est conférée une place ridiculement étroite?
Si, depuis quelques années, les «danseuses mamelouks» ou les «maîtresses-cherokees» dansent et se trémoussent de façon sporadique dans l’espace culturel québécois, c’est que la parole d’Yvon ne peut s’incarner une fois pour toutes dans l’ici et le maintenant. L’œuvre de la poète reste perçue comme l’inscription d’une contre-culture, comme un moment historique à découvrir permettant d’expliquer et d’exemplifier des instants d’un déroulement temporel qui irait grosso modo de l’avènement de la littérature des femmes à une poétique de la ville, en passant par l’imaginaire de l’Amérique. Elle est en prise dans son horizon d’attente où la provocation fait sourire, la vulgarité frissonner et la poésie douter. Néanmoins, elle ne cesse de lutter contre cette assignation à résidence.
Qu’est-ce qui rend l’œuvre de Josée Yvon si peu conforme aux temps qui tentent, tant bien que mal, de l’accueillir? Dès son apparition, le travail d’Yvon était en retard sur les travaux de Kerouac, de Ginsberg et de Burroughs. Il se trouvait aussi en décalage par rapport aux textes féministes qu’il avait pu croiser et, dans les esprits, il continue à surgir après celui de Denis Vanier, comme une copie «pas inintéressante» ou au mieux comme un double révélateur. La poésie d’Yvon ne peut se concevoir que dans un «après-coup» qui relègue l’écriture à une origine qui ne lui appartiendrait pas. Or cette place de copiste mineure fait partie de la posture et de l’esthétique de la poète. Maîtresses-Cherokees se termine sur ces mots: