Critique – Cinéma

Ne nous retournons plus

Il m’arrive rarement de me prêter à l’exercice du revisionnement d’un film, par peur qu’il ne se hisse plus au même rang dans mes goûts. Parfois, je dépasse cette crainte au risque de réviser mon jugement, de ravaler mes certitudes. Prendre le risque de l’humilité.

C’est sur un champ de ruines que j’ai regardé à nouveau Portrait de la jeune fille en feu, qui m’avait laissée relativement froide en octobre dernier, tandis qu’il embrasait bien des cœurs et des corps. Deuxième écoute pour une deuxième vision, d’apparition voire d’épiphanie. Ce Portrait du mois de juin n’avait plus rien à voir avec celui d’octobre. Ces quelques mois m’auront fait prendre conscience de mon propre aveuglement. Mon œil d’automne s’était arrêté à la surface du film, glacée et régulière comme celle d’une porcelaine parfaite. Étoffes brutes, couleurs pures, oui, dans ce Portrait, on évolue dans un très bel ouvrage d’histoire de l’art. De tableau en tableau, défile la familiarité d’une galerie du siècle des Lumières. Mais entre octobre et juin, la porcelaine s’est brisée.

Revoir Portrait de la jeune fille en feu tient davantage d’une volonté de déconstruire des modèles assimilés et adoptés, un besoin devenu vital ces neuf derniers mois de retrouver mon souffle et de repenser ce dont j’ai perdu la trace: mon corps et mon désir. Car Portrait parle de ces corps, de nos corps, comme on en parle trop rarement. Il réhabilite le désir dans ce qu’il a de plus délicat, vibrant et respectueux, à la différence de siècles de représentation du désir dans les arts – et pas que – assimilé à la contrainte. Le sexe érigé en impératif, les désirs des uns devenus les ordres des autres.

N° 329: Qui a peur des algorithmes?

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