Le jeune homme et le cosmos
Il y a une toile de Lemieux qui ressemble à un roman de Ducharme. Elle s’intitule Tourné vers le cosmos (1980-1985); c’est l’une des dernières grandes toiles de Lemieux, elle est à peu près contemporaine de son Autoportrait (1974), dont elle partage grosso modo les dimensions et, surtout, l’orientation: verticale mais, comment dire? sans verticalité.
On y voit un personnage (un jeune homme, semble-t-il) les yeux tournés vers le ciel nocturne: regarde-t-on de jour le ciel avec autant d’ardeur et d’inquiétude? C’est l’hiver; non le cœur froid de l’hiver mais une fin novembre ou peut-être un début mars, en tout cas sans doute juste après le crépuscule; à moins que ce ne soit juste avant l’aube.
Il y a autre chose. C’est que, sur la surface de cette toile de format vertical, on voit assez peu le ciel. Il est taché çà et là de bleu et de blanc mais on ne sait trop si cela signifie qu’il est couvert ou étoilé. De toute façon n’importe qui aurait cadré cette image de façon à montrer l’immensité du ciel noir, mais pas Lemieux qui s’y connaît pourtant en grands espaces. Toute la toile est cadrée sur le personnage, on ne voit quasiment rien d’autre. Ce que regarde le personnage est en dehors de la toile.