Retour vers 1959
Billy Wilder, Some Like it Hot
Après avoir été témoins d’un meurtre, deux musiciens – Joe (Tony Curtis) et Jerry (Jack Lemmon) – intègrent un orchestre exclusivement féminin pour se cacher. Afin de rendre vraisemblable cette mascarade, ils s’habillent en femmes, incarnant Joséphine et Daphné. Si l’histoire se situe à l’époque de la prohibition (1929), quelques années avant le code Hays (appliqué de 1933 à 1966), celle de la réalisation (1959) trahit toutefois des interdits bien de son temps. À l’aube des années 1960, malgré un vent de fraîcheur annonçant la révolution (homo)sexuelle, le cinéma américain demeure contrôlé par les magnats d’Hollywood. Aussi, des représentations substantielles de l’homosexualité ou de la transsexualité demeurent-elles impensables. Lorsqu’on leur permet de sortir du placard, les personnages LGBTQ+ servent souvent de prétexte comique plutôt qu’ils ne contribuent à l’affirmation d’une identité, quand ils ne sont pas plus tragiquement punis ou tués. Joe et Jerry se déguisent en femmes, non par choix, mais par contrainte (demeurer en sûreté). Le travestisme nourrit le comique et l’homosexualité est réfutée par certaines répliques. Alors que Daphné (Lemmon) désire honorer la demande en mariage d’un homme, Joséphine (Curtis) proteste: «Pourquoi un homme en épouserait-il un autre? Il y a des lois, des conventions, ça ne se fait pas ces choses-là!» Plus tard, après un baiser (lesbien) entre Sugar (Marilyn Monroe) et Joséphine, dévoilant alors sa réelle identité, Joe affirme «Aucun homme n’en vaut la peine!» pour conclure à l’hétéronormativité. Idem pour Daphné qui enlève sa perruque et clame: «Je suis un homme! — Personne n’est parfait», répliquera son prétendant. Un impossible mariage entre deux hommes, qui décroche le rire, de par son «absurdité» sociale. Dix ans plus tard, les émeutes de Stonewall amorceront une nouvelle ère.
— Julie Vaillancourt