Rétroviseur

Réjean Ducharme

L’utopie des origines

Quand on a donné sa parole, il faut la garder.

— Les enfantômes

En 1975, la revue Études françaises intitulait déjà son dossier «Avez-vous relu Ducharme?» De l’intérieur des universités, l’œuvre, devenue si rapidement classique, semble crouler sous les commentaires, les redites forcément, et les niaiseries parfois. A-t-on «momifié» Ducharme, comme le dit Sappho-Didon Apostasias du grand Laflamme, avatar de «l’écrivain fantôme», dans Ça va aller de Catherine Mavrikakis?

Ce serait oublier qu’une œuvre produit ses propres lecteurs, et qu’elle le fait sur le mode d’une connivence que les textes appellent, repoussent, testent, comme les amitiés qu’ils racontent, d’une solidarité un peu secrète, jamais grégaire (le mot s’écrit «gréguerre» dans Les enfantômes), fidèle et loyale («L’amour sans la fidélité, sans la loyauté et l’exclusivité, c’est de la grossièreté», dit André dans L’hiver de force). Pour ces lecteurs-là, le nom Ducharme est comme un mot de passe, ses phrases une sorte de code. C’est à quelques-uns d’entre eux que nous avons demandé de revenir ici, chacun à sa manière, sur l’œuvre.

Ducharmiens de la première heure ou late comers, ces lecteurs sont Élisabeth Haghebaert, auteure, entre autres, de Réjean Ducharme. Une marginalité paradoxale (Nota bene, 2009); Julien Bernard-Chabot, qui a consacré à Ducharme son mémoire de maîtrise et plusieurs articles; Martine-Emmanuelle Lapointe, qui a notamment analysé les malenten­dus de la réception de L’avalée des avalés dans Emblèmes d’une littérature (Fides, 2010); et Maxime Catellier, poète, romancier et critique, dont le dernier livre, Golden Square Mile (L’Oie de Cravan, 2015), évoque sa ren­contre avec l’œuvre de Ducharme. Deux d’entre eux, on le verra, s’arrêtent sur Le nez qui voque qui, quarante-six ans plus tard, inquiète encore. Ducharme l’inquiétant, écrivait Michel van Schendel en 1967.

N° 310: Repenser la souveraineté

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