Les nuits éclectiques
À l’heure où les dirigeants austères d’un peu partout exigent de leurs votants qu’ils demeurent réalistes, qu’advient-il alors de nos œuvres? Comment peuvent-elles s’inscrire dans un tel contexte, dans de tels carcans, et porter encore ce que nous sommes, ce que nous désirons et ce que nous devenons?
La dernière édition du Festival du Nouveau Cinéma s’est terminée en nous offrant, comme chaque année, un large éventail de propositions. Parmi les curiosités ayant réussi à se frayer un chemin jusqu’à nous, il y a cet objet sauvage, éclectiquement jubilatoire, venu du Portugal, pays incroyablement vivant mais économiquement meurtri. Il s’agit des Mille et une nuits, présenté en trois parties aux festivaliers et, chaque fois, devant une salle sinon comble, du moins comblée. Ce film problématise ce que veut dire «être réaliste», mais, ce faisant, il nous rappelle la teneur de ce que peut être un cinéma populaire.
Œuvre enchanteresse, monumentale et démesurée, c’est-à-dire sans commune mesure, le quatrième long-métrage du cinéaste Miguel Gomes ne se laisse pas impunément approcher. Il nous fascine et nous bouscule de mille et une manières, et réussit à (nous) fuir aussi de partout. Par où le prendre? Comment aborder, comment partager une telle iconoclastie sinon par fragments, dans un certain désordre?