Critique – Théâtre

Tenir la folie à distance

4.48 Psychose, vertigineux monologue sur la façon de vivre avec sa mort.

Difficile de ne pas lire la dramaturge Sarah Kane à l’aune de son suicide. Les cinq pièces de l’auteure britannique convoquent une grande part de violence. Plusieurs critiques lui ont reproché sa brutalité. D’autres ont salué la justesse et le potentiel théâtral de son écriture. La souffrance et le motif de la mort précoce sont si présents dans ses pièces que la tentation biographique est immense, et l’est d’autant plus dans le cas de son dernier texte, 4.48 Psychose. Fragmentaire et éclaté, achevé par Kane juste avant sa mort en 1999, il aborde de front le suicide.

À l’intérieur de ce verti­gineux casse-tête théâtral, nous savons qu’une femme confie son envie de mourir. Devant son thérapeute, elle se défend d’être malade, le confronte au sujet de sa mutilation volontaire et raconte son rapport trouble aux médicaments. Le texte alterne les formes (échanges polyphoniques, monologues, listes, poèmes), les registres (naturaliste, cru, lyrique) et les styles (répétitions, énumérations, majuscules ou absence de ponctuation). Comment traduire ou même transposer sur le plateau la complexité, voire la confusion, de cette partition sensible et éminemment visuelle?

Ce travail sied bien à Florent Siaud, adroit dramaturge, habitué à fréquenter des textes denses et cryptés. Pour sa seconde pièce montée à La Chapelle, il choisit d’entrer dans le texte de Kane en façonnant un seul personnage à partir des diffé­rentes voix qui composent 4.48 Psychose. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne s’agit pas d’une évidence. Ce choix fonde la ligne directrice de la mise en scène en plus de la nourrir. Il fait de ce personnage la conscience du spectacle, et c’est là l’essence de la proposition: nous mettre en présence d’un sujet qui assume ses troubles. Siaud s’était emparé du Quartett de Heiner Müller en exploitant un procédé similaire (La Chapelle, 2013). En redistribuant certains dialogues, il resserrait l’histoire autour d’un seul personnage et superposait les identités.

N° 312: Marie-Claire Blais

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