Marie-Claire Blais / Témoignage

«A butterfly on a bicycle»

Marie-Claire Blais habite Key West. Son éditeur au Boréal, Jean Bernier, nous dresse le portrait de cette île au bout du monde.

Tout est au niveau de la mer. C’est une île corallienne qui n’est pas formée de roc mais du squelette de milliards d’êtres vivants. Il n’y a aucun relief, nulle hauteur où se réfugier. Impossible non plus de creuser la terre, cette poudre d’os gorgée d’eau. C’est pourquoi les morts du cimetière reposent à un mètre au-dessus du sol.

C’est une écume minérale en bordure de laquelle blanchit l’écume de la mer, figée entre le chaos marécageux des Everglades et ce désert aqueux qu’est le golfe du Mexique. Une faune et une flore inattendues, luxuriantes, y prospèrent. Coincés entre ciel et mer, se retrouvent dans ce lieu sans issue descendants du Vieux Sud de Faulkner, esclaves marrons venus de la Jamaïque, boat people cubains ou haïtiens, poètes célèbres de la Nouvelle-Angleterre. Écume humaine, animale, végétale que le premier ouragan peut emporter. C’est le bout de la route. Après, il n’y a plus rien, que l’horizon où la mer immobile rejoint le ciel chauffé à blanc. Finis Terrae.

À quelques pas du cimetière où les morts dorment entre ciel et terre, une fragile silhouette se glisse hors d’un portail entrouvert, enfourche une bicyclette et se met à pédaler avec énergie. Veste de jeans, bermuda blanc, sandales, casquette de gavroche d’où s’échappent, comme des ailes, des boucles mordorées. «A butterfly on a bicycle», disait d’elle le poète James Merrill.

N° 312: Marie-Claire Blais

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