La pose du dandy
Sous couvert d’écrire un journal, Carl Bergeron trace à contre-jour le portrait d’un dandy conservateur. La lumière dans laquelle se découpe l’ombre de ce dandysme émane d’un adversaire: le libéralisme postmoderne qui traverse la société québécoise. On comprend ce distingué personnage de trouver un tel éclairage insupportable, mais la noirceur que lui-même projette n’est guère moins aveuglante.
Le libéralisme fonde l’organisation de la vie commune sur la liberté de choisir d’individus présumés déliés les uns des autres. Auparavant, le libéralisme s’appuyait sur des institutions issues de la modernité qui permettaient de relier ces individus atomisés pour maintenir en place une cohérence sociale: la politique, le droit, l’espace public, les institutions de santé et d’éducation, la famille, etc. Dans nos sociétés postmodernes, ces institutions s’effritent et se transforment en organisations qui assurent leur propre reproduction et expansion plutôt que de participer à la cohésion de la société.
Arpentant les rues du plateau Mont-Royal, notre dandy croise la faune postmoderne: des atomes centrés sur eux-mêmes et puant la bonne conscience consumériste. Mes droits, mon iPhone, ma grandeur morale à deux sous. Ça l’agace, et pour cause. Bercé par un imaginaire sorti du xixe siècle, il s’imagine, mi-Balzac, mi-Stendhal, décrivant avec mordant une société d’ignares présomptueux du haut de sa riche expérience personnelle. Or, la fatuité de l’entreprise n’a d’égale que la pauvreté du parcours sur lequel elle se fonde.