Le bout d’jouet
Figure ô combien marquante de la culture populaire québécoise, le clown Sol a été créé et incarné par Marc Favreau (1929-2005), qui est également l’auteur de tous ses monologues. Clochard verbomoteur, candide contemplatif, Sol se prend exprès la langue dans les mots du discours ambiant, les utilise volontiers à contre-emploi, si bien qu’on a alors l’impression vivifiante d’entendre ces mots pour la première fois, d’en être repossédés.
Dans ce monologue des débuts, qu’on trouve sur son premier trente-trois tours (Enfin Sol, Barclay, 1973) ainsi que dans son premier recueil de textes (Esstradinairement vautre, Montréal, L’Aurore, 1974), Sol bricole à sa manière les mots des politiciens, des patrons et des économistes, cette matière de langage prétendument sérieuse, censée faire rêver à la richesse les classes laborieuses. Le budget (pardon, «bout d’jouet») devient prétexte à une tirade qui gonfle littéralement jusqu’à éclater.
Ce texte ne fera pas entendre l’élocution particulière de Marc Favreau, ni ne fera voir sa grande bouche s’animer au centre de sa fausse barbe maquillée. Mais son écriture en vers nous le donne à lire comme une sorte de poème brut, d’une manière après tout pas si éloignée de celle d’un Patrice Desbiens…