Critique – Littérature

La fragilité des refuges

Avec Vernon Subutex, Virginie Despentes dépeint un tissu social désagrégé au sein duquel les communautés amicales sont les dernières qui résistent.

Un jour que j’allais chercher un ami en voiture, il m’a dit, sur un ton banal, dans le cadre de la porte de son appartement, venir de comprendre comment on pouvait devenir itinérant et même savoir qu’il était lui-même à deux doigts de l’être. À Montréal, où l’on constate une forte augmentation du nombre de travailleurs pauvres, qui malgré leur occupation vivent dans la précarité économique, les craintes qu’il énonçait devant son avenir matériel étaient loin d’être une lubie. J’ai été secouée qu’il soit capable de m’en parler avec le détachement construit de celui qui se prépare déjà à affronter le pire.

Je nous revoyais, quinze ans plus tôt, au début de la vingtaine, couchés sur son lit à rêvasser. Il travaillait en informatique et parlait des économies qu’il commençait à accumuler. Il désirait acheter un condo dans une tour. Nous nous imaginions déjà, à contempler la ville de sa fenêtre. Entre-temps, il est tombé malade, le commerce de détail où il travaillait a fait faillite et sa mère âgée perdait peu à peu le contact avec la réalité. Du coup, ses rêves sont disparus en même temps que ses économies.

Le triste sort de mon ami m’a hantée pendant toute la lecture de Vernon Subutex. Victime de la transformation des industries culturelles avec l’arrivée du numérique, le disquaire, Vernon Subutex, doit fermer son commerce, le Revolver, et finit par perdre aussi son logement. Dans un entretien réalisé à la Librairie Mollat à Bordeaux pour la sortie du premier tome, Virginie Despentes établit un lien entre ses propres craintes de se retrouver un jour dans la rue et le destin de son personnage principal.

N° 315: Avancez en arrière!

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