Critique – Littérature

Le regard bleu du conspirateur

John Berger, passeur d’histoires.

Le bleu est mémoire, mais le bleu est aussi effronterie, impudence.

— John Berger et John Christie, I Send You this Cadmium Red

John Berger est mort à l’orée de cette année, le 2 janvier. Il était né – désolé, je fais une erreur de temps, dit-il dans un entretien au cours duquel il parle de son père mort depuis longtemps, car les morts sont là, avec nous, présents −, il est né dans une banlieue nord de Londres, a vécu en France dans un petit village de Haute-Savoie pendant près de quarante ans. Il vient d’avoir quatre-vingt-dix ans, c’est un marxiste de type persistant, il écrit en anglais, parle un français précis avec un accent immanquable, a appris le travail des champs avec les paysans du village, a une passion pour la motocyclette, commente avec fougue l’art et la politique, raconte des his­toires, lit ses textes dans les prisons, en Palestine, dans les camps de réfugiés, sur les places publiques, échange inlassablement au téléphone, par SMS – it’s like whispers, and with that goes intimacy, secrecy, playfulness −, avec toujours une attention tournée vers l’interlocuteur, une façon lente de peser les mots, d’en douter, de rappeler leur sens dérobé par les pouvoirs.

Il a à coup sûr le regard vif comme la lame et tendre comme la blessure.

Il est à coup sûr parmi les très grands écrivains contemporains.

N° 316: La dictature du rire

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