Médias, culture et radicalité
Entretien avec Marie José Mondzain
Philosophe, Marie José Mondzain est directrice émérite au CNRS et spécialiste du rapport à l’image. Elle a publié de nombreux livres témoignant du prolongement de sa pensée dans le champ politique. Son dernier livre, Confiscation. Des mots, des images et du temps, est paru à l’hiver 2017 aux Éditions Les Liens qui libèrent.
Vous proposez dans votre dernier livre, Confiscation. Des mots, des images et du temps, une réflexion sur la «radicalité», afin de la libérer du rapport à l’endoctrinement et aux gestes meurtriers auxquels elle est maintenant immédiatement associée. Vous y exprimez une colère et un sentiment d’impuissance des gestes, particulièrement des gestes de l’écriture. Dès la première page, vous faites un lien entre ce sentiment d’impuissance et «l’expérience quotidienne du délabrement des liens, devant le spectacle ou la lecture de ce qu’on appelle les “nouvelles” et qui précisément anéantit par sa nuisible répétition chaque jour davantage la possibilité même de toute nouveauté». Quel rôle jouent selon vous les médias dans le sentiment de fatalité qui semble aujourd’hui s’abattre sur le monde?
Marie José Mondzain — Ce sentiment d’impuissance est d’abord lié à tout ce qui s’écrit sur la situation actuelle, particulièrement en Europe, avec les rapports au terrorisme et à l’immigration. Il y a une littérature assez considérable et assez défaitiste, et surtout la prégnance de tout un courant de dépolitisation, qui a d’ailleurs mené au pouvoir un homme comme Emmanuel Macron qui, en s’en remettant aux mécanismes du capitalisme néolibéral et à la financiarisation de toute administration politique, fait que les institutions elles-mêmes ne font plus du tout confiance ni au temps, ni à la pensée.